La fameuse « SCI » est bien connue des épargnants, mais beaucoup en ignorent la portée réelle. Loin des fantasmes sur ses avantages fiscaux, la « société civile » (immobilière ou de portefeuille) se révèle très utile pour gérer son patrimoine et le transmettre sans les règles contraignantes de l’indivision. Questions à un expert : Yannick Bouet, gestionnaire de patrimoine à Nîmes (ACCI PLUS PATRIMOINE), co-fondateur des Arènes du Patrimoine.
La société civile est une personne morale qui permet à au moins deux personnes (physiques ou morales) – des associés – de gérer ensemble des biens, sans les contraintes liées à l’indivision. Cette forme de société, qui est très ancienne, est régie par le Code civil, et non le code commercial. La société civile n’a donc pas le droit d’avoir une activité commerciale : elle ne peut pas, par exemple, faire de la location meublée. Certains contribuables ont parfois du mal à se faire à l’idée de créer une société et imaginer les tracasseries alors que le process est assez simple et qu’il suffit de procéder à l’assemblée générale annuelle autour d’un bon repas de famille à Noël, juste avant la bûche, par exemple !
L’intérêt est qu’avec elle, tout est possible ! Il n’y a pas de règles imposées – sauf celles qui contreviennent à la loi -, on peut donc faire du sur-mesure en fonction de la situation de chacun, ce qui est un avantage extraordinaire. C’est pour cela que la rédaction des statuts est une phase primordiale. Si vous procédez à un copier-coller de statut type sur internet, autant ne pas créer de « société civile » ! Les statuts définissent qui a le pouvoir de gestion, le mode de gestion, le déroulement des votes (multiples, à majorité qualifiée, etc.). Il faut être vigilant car plus vous donnez de pouvoir à un tiers, plus le risque d’abus est important. A contrario, à trop vouloir l’égalité entre associés peut amener à des situations de blocage en cas de désaccord : il est donc important de s’assurer d’un contrepouvoir, anticiper les abus et penser à des gérances successives est indispensable. On peut ainsi décider de dissocier la propriété de la gestion : vous donnez la propriété des parts sociales de la SCI à vos enfants, mais vous en gardez la gérance donc la gestion, voire le contrôle en fonction des pouvoirs octroyés à la gérance.
La SCI permet d’amoindrir les règles contraignantes d’une indivision qui nécessite l’unanimité pour toute prise de décision. Ce n’est pas le cas avec la SCI, puisque le pouvoir et la propriété sont dissociés. La SCI permet aussi d’associer les enfants et les parents dans un achat immobilier, d’anticiper la transmission de son patrimoine ou même de séparer un patrimoine immobilier professionnel de son patrimoine personnel. Dans le cadre d’un achat immobilier, je peux ainsi transmettre la nue-propriété des parts sociales à mes enfants. A mon décès, l’usufruit des parts sociales de la SCI qui détient le bien sera transmis sans droit supplémentaire : l’enrichissement du patrimoine qui interviendra entre la donation de la nue-propriété des parts sociales et le décès de l’usufruitier sera transmis hors droit de succession… cela peut représenter de lourdes économies en termes de droits de succession ! Je préconise aussi la SCI dans le cas d’un investissement entre concubins ou partenaires pacsés, d’autant plus s’ils ont des enfants. En cas de décès d’un concubin en présence d’enfants mineurs, la SCI, selon la rédaction des statuts, peut nous épargner l’intervention du juge de tutelle lors de la mise en vente du bien détenu par la SCI. On peut aussi éviter de vendre le bien en cas de séparation…
L’avantage de la société civile est qu’elle peut être soumise à l’impôt sur le revenu voire à l’impôt sur les sociétés. Cette option fiscale ouvre des pistes de réflexion qui peuvent générer un intérêt fiscal. Cependant, attention ! chaque solution comporte des avantages et des inconvénients, cette option fiscale est irrévocable et peut générer plus de contraintes que d’avantages au final… Encore une fois l’avis d’un spécialiste est primordial !
Le modèle est le même, seul l’objet social est plus large : on peut y trouver des actions, des obligations, des parts de SARL, des fonds communs de placement, mais aussi de l’immobilier. Cela forme, au final, comme un « pot commun » que l’on va gérer avec une rentabilité moyenne. La SCP est moins répandue car il faut posséder un portefeuille de valeurs important ; cette réflexion est à mener à partir de 400 000 à 500 000€ euros d’investissement, ce qui correspond généralement à des fins de carrière professionnelle ou une grosse rentrée d’argent… L’avantage de la SCP réside notamment dans le démembrement des parts sociales au profit des enfants : dans cette situation, nous pouvons considérer que nous avons construit un contrat d’assurance vie sur mesure. La particularité de cette solution est que l’univers d’investissement est nettement plus étendu que le contrat d’assurance vie. Cette solution n’est pas une alternative aux contrats d’assurance vie mais bien un investissement complémentaire qui peut facilement s’insérer dans une stratégie de transmission du patrimoine.
La société civile de portefeuille permet d’avoir une vision globale de sa gestion de patrimoine, qui ouvre des horizons plus larges que l’assurance vie. Elle peut aussi détenir des sociétés civiles immobilières et on peut y mettre plusieurs gérants et co-gérants. Vous pouvez en prévoir la sortie, dans quel cadre et à quel prix. Une véritable méthodologie et une stratégie se mettent en place. La SCP a également un intérêt fiscal : elle optimise la fiscalité sur les revenus générés par les placements et l’impôt sur la fortune. Les personnes assujetties à l’ISF ont souvent intérêt à diminuer le montant de leurs revenus imposables. Or, si elles détiennent en direct des Sicav, actions ou obligations, les produits qu’elles tirent de ces placements sont ajoutés automatiquement à leurs revenus… Pas avec la SCP selon l’option fiscale que nous choisissons !
Propos recueillis par Gwenaëlle Guerlavais